Le Magasin Pittoresque./1842 - page 12.

Le Roi Salomon et son fou Marcolphe.

 

On a publié au quinzième siècle un recueil de dialogues attribués au roi Salomon et à Marcolphe. L'auteur suppose que ce roi renommé par sa sagesse, étant un jour assis sur son trône, aperçoit à ses pieds Marcolphe. Celui-ci, ajoute-t-il, était d'une taille petite et difforme, et d'une tournure commune. Il avait le visage épais et ridé, de grands yeux, de longues oreilles et des lèvres pendantes, une barbe de bouc, de grosses mains, des doigts crochus, le nez pointu, des jambes d'éléphant, la chevelure en désordre ; son costume, aussi étrange que sa personne, se composait principalement d'une tunique courte, sale et tachée. A sa vue, le roi demande : - Qui es-tu ?- Nomme-moi d'abord ta famille, répond Marcolphe, je te nommerai ensuite la mienne. - Moi, je suis issu de l'une des douze familles de Juda : de Juda naquit Pharès, etc. ; mon père était David, et je suis le roi Salomon. - Et moi, je suis issu de l'une des douze familles d Rustre ; de Rustre naquit Rustaud ; de Rustaud, Rustique, etc. ; mon père était le noble Marquet, et moi je suis le fou Marcolphe. - Tu me parais un rusé compère. Or sus, causons. Si tu réponds convenablement à mes questions, je te traiterai en roi ; tu ne me quitteras plus, et tu seras honoré par tout mon royaume.
Alors la conversation s'engage entre les deux interlocuteurs sur une foule de sujets, sur l'homme, la femme, les enfants, les amis, le monde, la nature, les arbres, l'herbe, le vin, la médecine, etc. Le fou a réponse à tout. Sa parole, fine et railleuse, est toujours libre et hardie, parfois aussi impertinente et grossière. Salomon continue son espèce d'interrogatoire jusqu'à ce qu'enfin, irrité de l'insolente audace du fou, il le bannit à jamais de sa présence. Marcolphe s'écrie, en se retirant : Le mensonge qui flatte plaît aux roi : la vérité qui éclaire choque et blesse même les plus sages.