Le Magasin Pittoresque. / Convoi de condamnés.

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Russie04

En Russie, la déportation est un des sept châtiments correctionnels reconnus par la loi. Les condamnés à la déportation sont envoyés en Sibérie, qui est, à la Russie, avec quelques aggravations, ce que Botany-Bay est à l'Angleterre, ce que Cayenne est à la France. De grandes routes sont affectées à ce service spécial, dit service des étapes de déportation. Une troupe de vétérans à pied et à cheval, conduit les chaînes d'une étape à l'autre. Chaque détachement, commandé par un officier, se compose de deux sous-officiers, d'un tambour, de vingt-cinq soldats et de quatre cosaques armés en guerre. On charge expressément le gouverneur de chaque province du soin de maintenir les étapes en bon ordre et de veiller à ce que chaque déporté soit pourvu non seulement du nécessaire pendant la route, mais ne subisse aucun abus de pouvoir de la part des escortes ; les chefs d'étapes en sont responsables devant le gouverneur, qui seul a droit de donner des instructions et des ordres, excepté en ce qui concerne la discipline militaire. Hélas ! Cette responsabilité des chefs est illusoire. Des voitures, au compte de l'État, sont requises pour le transport des malades, des mères qui allaitent et pour les enfants en bas âge. A son départ, chaque déporté reçoit deux chemises, deux caleçons, quatre morceaux de toile, dont les paysans russes s'enveloppent les pieds, un sarrau, un sac de toile et une paire de bottes. En hiver, les morceaux de toile sont remplacés par des morceaux de drap ; le condamné reçoit encore une paire de larges pantalons, une pelisse en peau de mouton et un bonnet fourré. On donne aux femmes une longue cape, un jupon, un carafon, un pardessus de drap, une pelisse chaude pour l'hiver et de forts souliers.
La distance de chaque étape varie de vingt à trente kilomètres. Tous les deux jours, on accorde à ces malheureux vingt-quatre heures de repos. Une paye de quinze centimes par jour leur est allouée pour la nourriture. Ils nomment entre eux un staroste, chargé des dépenses de l'ordinaire et responsable de la bourse commune. C'est lui qui recueille les aumônes, en nature ou en argent, que tout bon Russe qui rencontre une chaîne s'empresse de faire aussi abondantes que possible. En été, la chaîne se compose de soixante individus; en hiver, elle monte jusqu'à cent. Les femmes non mariées vont à part. C'est à Tobolsk que se trouve la chancellerie des déportés. Elle se charge de recevoir les chaînes, de veiller à l'état sanitaire et à l'entretien des individus qui arrivent ; elle les classe suivant les condamnations prononcées et les divise en deux catégories principales : la catégorie des déportés voués à la colonisation et celle des condamnés aux travaux forcés.