La prairie - Fenimore Cooper / Dessin de Bertall.

Angleterre, 5 janvier.

Une scène affreuse de trouble et de confusion s'est passée dans la capitale de l'Ecosse. Un homme nommé Robert Johnston, convaincu de vol, devait être pendu, à Edimbourg. Amené au lieu de l'exécution, il monta courageusement sur la plate-forme, salua la multitude, fit sa prière, aida lui-même à ajuster la corde autour de son col, et donna ensuite le fatal signal qui devait le lancer dans l'éternité. Il tomba en effet, mais la corde se trouva trop longue, et le bout des pieds du malheureux touchaient à la plate-forme. On envoya sur le champ chercher des charpentiers pour abattre tout l'échafaudage, et finir ainsi les souffrances du supplicié. Mais avant que cela pût s'exécuter, la multitude indignée poussa des cris de fureur. On entendit vociférer de toutes parts : quelle horreur ! c'est une honte, un meurtre, et bientôt des volées de pierres jetées par le peuple, forcèrent les magistrats, officiers de paix, prêtres et ouvriers de s'enfuir. Il ne resta sur l'échafaud que le coupable. De nouveaux cris s'élevèrent alors, coupez la corde, il est encore vivant. Un homme bien mis sauta en effet sur la plate-forme coupa la corde, et le malheureux tomba sur l'échafaud, après avoir été suspendu pendant cinq minutes.
Le désordre fut alors porté à l'excès. Le peuple pris possession de la plate-forme, on souleva Johnston, on le débarrassa de ses liens, on lui ôta son bonnet qu'on jeta au milieu de la foule, on le dégagea ensuite d'une partie de ses vêtements, et trouvant qu'il respirait encore, on le porta vers Highstreet, tandis que la foule mettait en pièces la bière qui était préparée pour recevoir son corps. Le lieutenant de police, pendant cette scène, fut grièvement blessé à la tête, dix officiers le furent plus ou moins gravement, et l'exécuteur des hautes-œuvres qui se trouva quelque temps entre les mains du peuple, fut très maltraité. Mais ayant réuni des forces plus considérables, la police parvint enfin à se ressaisir de la personne de Johnston. Elle le fit porter à l'hôtel de la police, où un chirurgien de l'établissement le saigna aux deux bras, et à la veine de la tempe, ce qui ranima entièrement cet infortuné, qui cependant ne proféra pas une seule parole.
Le chef de la police, à la tête d'un fort détachement du 88e régiment, marcha alors vers le premier lieu d'exécution, s'empara de la plate-forme et en chassa le peuple. Le lord Prévôt, harangua ensuite la multitude, déplora l'accident qui venait d'arriver, et parla du triste devoir qui lui restait encore à remplir, recommandant la tranquillité aux assistants.
Johnston fut rapporté par six hommes, et pendu de nouveau. Mais l'exécuteur était si troublé, et la corde fut encore si mal ajustée, qu'il fallut lui faire plusieurs tours autour du crochet auquel elle était attachée, et le malheureux parut souffrir cruellement. La multitude poussa de nouveaux cris de rage, mais la force armée était si considérable qu'il n'y eut plus d'excès de commis. Les soldats se conduisirent avec sagesse, restèrent sur le terrein jusqu'à ce que le corps fut descendu, et vers le soir le peuple se dispersa.
Johnston était un homme de 25 ans environ, grand, fort, et d'une belle figure. Il avait eu long-temps une conduite irréprochable. Son père et sa mère sont d'honnêtes gens qui tiennent une boutique à Grassmarket. Ils visitèrent leur malheureux fils pour la dernière fois mardi dernier, et le trouvèrent tranquille et résigné à son sort. Sa mère à qui on était venu dire pendant cette scène de confusion qu'il était sauvé, est depuis ce moment dans l'état le plus cruel et on craint pour sa raison.

Le Vrai Libéral - Dimanche, le 10 janvier 1819. / N°10.

Le Vrai Libéral.
Une pendaison en Ecosse.